Notre histoire
L’histoire de notre fondation est relativement récente. Elle débute en 1995, alors que Lucille Teasdale, gravement malade, met sur pied à Montréal une fondation pour contribuer à soutenir et perpétuer son œuvre en Ouganda. Mais cette histoire est précédée de chapitres fascinants, dont la mise sur pied d’un hôpital à l’intérieur de l’Afrique coloniale et la rencontre synergique de Lucille Teasdale de Montréal et Piero Corti de Milan.
Lucille rencontre Piero
À la fin des années 1950, Lucille Teasdale et Piero Corti se rencontrent à l’Hôpital Sainte-Justine. Tous deux ont choisi la médecine pour soigner les plus démunis. Lucille, une des premières femmes médecins de Montréal, termine ses études en chirurgie pédiatrique, tandis que Piero suit un stage après ses formations en neuropsychiatrie infantile et en radiologie.
De retour en Italie, Piero complète sa formation puis voyage en Afrique et en Inde avant de s’installer à l'hôpital St. Mary's dans le nord de l’Ouganda. Alors qu’il prépare les premiers envois, il reçoit une carte de Lucille, qui termine sa spécialisation en France. Il l’invite à le rejoindre en Ouganda « Juste pour quelques mois, afin de lancer l’activité chirurgicale ; je ne pourrai payer que ton billet d’avion. »
Leur rêve, toujours au cœur de l'hôpital, était d'« Offrir les meilleurs soins possibles, au plus grand nombre, au coût le plus bas » et « former ceux qui prendront notre relève ».
Ils se marient en 1961 et consacrent leur vie à diriger et développer l'hôpital St. Mary's, malgré les coups d'État, les conflits, la pauvreté extrême et les épidémies dévastatrices. Lucille meurt en 1996, des suites d'une infection au VIH contractée dans son travail, et Piero en 2003, d'un cancer du pancréas. Ils n'ont pas vu la paix atteindre enfin le nord de l'Ouganda en 2006, ni le retour des près de deux millions de déplacés.
Chacun a fondé une organisation dans sa ville natale — la Fondation Teasdale-Corti à Montréal et la Fondazione Piero e Lucille Corti à Milan — avec le même objectif : recueillir des fonds pour que l’hôpital puisse continuer de soigner une population pauvre, grâce aux collègues ougandais qui poursuivent leur œuvre et leur rêve.
Lucille et Piero reposent désormais dans l’enceinte de l’hôpital, afin que, comme le disait Piero : « je puisse veiller et tirer les oreilles de ceux qui se comportent mal. »
Les débuts de l'Hôpital St. Mary's
En 1959, près de la ville de Gulu, dans le nord de l'Ouganda, un missionnaire combonien assisté de soeurs comboniennes fonda l'hôpital St. Mary's Lacor. Depuis plus de 65 ans, cette initiative a transformé la vie de milliers de personnes.
Les Missionnaires Comboniens sont présents dans le nord de l'Ouganda depuis 1910, opérant sous l'autorité du diocèse catholique de Gulu. En 1961, les docteurs Piero Corti et Lucille Teasdale s'y installent et reçoivent la responsabilité de diriger et de développer l'établissement.
Le développement de l'Hôpital St. Mary's
Le développement de l'hôpital est l'extraordinaire histoire de Lucille Teasdale et Piero Corti.
En 1961, lors de l'arrivée des docteurs Lucille Teasdale et Piero Corti, l’hôpital se compose d’un service externe et d’une maternité de 30 lits. Il est dirigé par des religieuses comboniennes italiennes, des infirmières et des sages-femmes diplômées au Royaume-Uni (l’Ouganda étant toujours un protectorat britannique à l'époque), aidé par quelques employés ougandais formés sur place. Les services de médecine, de radiologie et le laboratoire sont en cours de construction.
![]()
Piero et Lucille se marient dans la chapelle de l’hôpital. Ils resteront à St. Mary’s toute leur vie et leur fille unique, Dominique, y naîtra en 1962.
Grâce à Piero et Lucille, l’hôpital commence à se développer. Comme convenu avec l’évêque, Piero ne demande pas de fonds au diocèse, mais cherche lui-même des ressources, d’abord auprès de ses proches et amis. Dès 1965, l’hôpital compte un service de pédiatrie et un bloc opératoire équipé de deux tables, où Lucille forme de jeunes médecins italiens envoyés par le Ministère italien des Affaires étrangères. Ces jeunes médecins accomplissent deux ans de service civil à la place du service militaire obligatoire. Ils commencent par trois mois à St. Mary’s pour se familiariser avec les maladies tropicales locales, puis sont affectés aux 25 autres hôpitaux missionnaires fondés par les Comboniens dans le nord de l’Ouganda.
Le développement du personnel local en temps de crise
La formation du personnel local, l’un des grands rêves de Lucille et Piero, commence par l’ouverture de l’École d’infirmières diplômées en 1973. Entre 1974 et 1976, trois centres de santé périphériques sont créés dans des zones particulièrement démunies : Opit, Pabbo et Amuru.
Sous le régime d’Idi Amin (1972-1979), l’économie ougandaise s'effondre : expulsion des Asiatiques, nationalisation des entreprises et fuite de tous ceux qui peuvent quitter le pays. La valeur des salaires et des revenus chutent de 90 % en moins de dix ans. En 1979, après une série de provocations d’Amin, l’armée tanzanienne, avec l'aide d'exilés ougandais, envahit le pays et renverse le régime. Cependant, il leur faut plusieurs mois pour atteindre Gulu. Pendant ce temps, l’hôpital reste totalement isolé du reste du monde. Situé sur la voie de retraite de l'armée en déroute d'Amin, l'hôpital est pillé dans les jours précédant l’arrivée des Tanzaniens à Gulu. Un officier tanzanien déclare aux Corti : « C’est le premier établissement de santé que je trouve ouvert et en fonctionnement depuis mon entrée en Ouganda, il y a plusieurs mois. »
La population appelle affectueusement Lucille « Dr. Lucille ». Elle est la seule chirurgienne dans toute la région capable d’opérer en temps de guerre. C’est durant ces années-là qu'elle contracte le SIDA, en se coupant sur des fragments osseux lors d’interventions chirurgicales.
Les difficiles années 1980 et 1990
Malgré une insécurité persistante, les années 1980 voient l’agrandissement des infrastructures de l’hôpital. Un deuxième service de chirurgie est ajouté, le bloc opératoire est restructuré, et de nouveaux services sont intégrés, comme la chirurgie dentaire, l’endoscopie, l’anatomopathologie et la physiothérapie.
![]()
À cette époque, l’hôpital se trouve au cœur d’une guerre marquée par des massacres et des atrocités quotidiennes. On y soigne à la fois les victimes directes — blessés par balles ou par mines — et les victimes indirectes : les enfants atteints des « maladies de la pauvreté ». En effet, les 0-4 ans représentent 17 % de la population, mais 50 % des admissions et 60 % des décès hospitaliers aigus. La malnutrition, le paludisme, la pneumonie, la diarrhée et la rougeole sont responsables de la plupart de ces morts. Des groupes rebelles pillent l’hôpital à plusieurs reprises la nuit. Des infirmières sont enlevées, et des rançons versées en médicaments et en argent. Plus de 90 % du personnel vit dans l’enceinte de l’hôpital, et la nuit, beaucoup dorment dans les buissons ou dans les bâtiments en construction pour éviter d’être kidnappés.
Dans les années 1990, l’hôpital compte 400 employés ougandais et 450 lits. En 1995, une nouvelle polyclinique est inaugurée, un système comptable est mis en place et les premiers rapports financiers annuels sont produits. Le conseil d’administration de l’hôpital s’est renouvelé et se réunit désormais régulièrement.
Au milieu des années 1990, les rebelles ciblent directement la population : incursions nocturnes dans les villages, meurtres, pillages et enlèvements d’enfants de 6 à 12 ans pour grossir leurs rangs. La plupart des habitants, qui vivent de l’agriculture de subsistance, quittent leur foyer pour chercher plus de sécurité près des villes et des postes militaires, s’entassant dans d’immenses camps de réfugiés intérieurs dans des conditions difficiles et dépendent entièrement de l’aide internationale. Le Programme alimentaire mondial aide des milliers de personnes à survivre pendant deux décennies. Ceux qui restent chez eux, étant donné leur proximité avec les villes, envoient femmes et enfants passer la nuit dans des endroits considérés comme plus sécuritaires, tels que les villes ou les missions. De 1994 à 2006, au minimum 3 000 personnes, mais souvent jusqu’à 10 000 ou 15 000 (selon le « comptage du matin »), principalement des femmes et des enfants, cherchent refuge chaque nuit dans l’enceinte de l’hôpital pour se protéger des incursions rebelles, des pillages, des homicides et des enlèvements.
La maladie de Lucille
Atteinte du sida, Lucille continue à travailler plusieurs heures par jour à la polyclinique, malgré son extrême maigreur (elle ne pèse plus que 35 kilos) et son alimentation par intraveineuse. En avril 1996, Piero décide de l’emmener en Italie dans l’espoir d’améliorer son état de santé. Malgré les traitements, la santé de Lucille se dégrade encore. Elle s’éteint en Italie le 1er août 1996, entourée de Piero, de leur fille Dominique et de son mari Contardo, ainsi que de sa sœur Lise, venue du Canada. Piero ramène sa dépouille en Ouganda.
La croissance par défaut
En dépit de la guerre — ou peut-être à cause d’elle — et parce que l’hôpital demeure, durant ces décennies, le seul établissement pleinement fonctionnel dans une vaste région, il continue de croître pour répondre aux besoins croissants de la population. Le nombre de patients pris en charge passe de 109 480 en 1990 (dont 8 729 hospitalisations) à 196 478 en 2000 (dont 17 065 hospitalisations), puis à 331 346 en 2010 (dont 50 386 hospitalisations).
Le changement de génération
Après la mort de Piero, le Dr Bruno Corrado, arrivé à St. Mary's en 1992, assure la direction de l’hôpital et travaille en étroite collaboration avec ses collègues ougandais, appelés à devenir les futurs directeurs. La passation formelle, une étape clé, a lieu en février 2008, lorsque le Dr Opira Cyprian prend le poste de Directeur exécutif, épaulé par le Dr Odong Emintone (Directeur médical) et le Dr Ogwang Martin (Directeur institutionnel). Après le décès du Dr Opira à la fin de 2024, le Dr Emmanuel Ochola prend sa place.
La Dre Dominique Corti, fille du couple Teasdale-Corti, est Présidente de la fondation italienne à Milan, Vice-présidente Programmes de la fondation canadienne à Montréal. Elle consacre tout son temps à soutenir l’hôpital St. Mary’s à travers les fondations et son rôle de membre du conseil d’administration de l’hôpital.
En 2000, l'hôpital fait la une des journaux du monde entier lors de l'éclosion de l'ébola. Le Dr Matthew Lukwiya, un médecin exceptionnel, digne successeur de Lucille et Piero, reconnait l'épidémie, alerte les autorités et organise la lutte contre sa propagation.
Il met en place un service d'isolement, recrute des volontaires parmi le personnel et accueille des experts de l'Unité des pathogènes spéciaux des CDC et de l'OMS. Le CDC installe un laboratoire "sur site" à St. Mary's, permettant, pour la première fois, d'observer l'épidémie et de confirmer les diagnostics d'ébola localement.
Le Dr Matthew dirige et encourage son équipe de volontaires à soigner les patients atteints d'ébola. Auparavant, en raison d'un taux de mortalité élevé et de l'absence de traitement efficace, les proches s'occupaient des patients isolés. Le Dr Matthew justifie ce changement par trois raisons: Premièrement, nous ne savons pas si les soins de soutien peuvent faire une différence, c'est notre devoir d'essayer. Deuxièmement, c'est notre devoir, en tant que professionnels de la santé, de protéger la population. Il serait beaucoup plus dangereux pour un membre de la famille d'apprendre à enfiler et à retirer des vêtement de protection et à éviter les comportements risqués. Troisièmement, si je mourais de cette maladie, je voudrais que quelqu'un soit à mes côtés pour éviter de mourir seul. C'est notre devoir."
Parmi la centaine de volontaires qui ont accepté de travailler dans le service d'isolement, de transporter des cas suspects à l'hôpital ou d'enterrer les morts, 13 sont décédés après avoir contracté la maladie. Le Dr Matthew succombe aussi à l'Ebola le 5 décembre 2000, dernière victime du virus parmi le personnel de St. Mary's. Dans ses derniers instants, le Dr Matthew demande à être enterré près de Lucille ; son dernier souhait a été exaucé.
L'ébola laisse dans son sillage peur et découragement. Des mois plus tard, l'hôpital reprend ses activités à plein régime, mais son fonctionnement a changé: des protections plus strictes, un dépistage renforcé et une réduction drastique de la réutilisation des matériaux, ce qui entraîne une hausse importante des coûts hôspitaliers.
La gestion se modernise
Depuis 2001, un auditeur international vérifie les états financiers de l’hôpital. L'hôpital a introduit un manuel de gestion du personnel et a informatisé sa comptabilité ainsi que l’administration des ressources humaines. En plus de ses activités régulières, l’hôpital doit faire face à l’afflux croissant des night commuters — des milliers d’enfants cherchant refuge la nuit dans l’enceinte de l’établissement.
L’hôpital élabore son premier plan stratégique pour 2007-2012. Il le renouvelle régulièrement tous les cinq ans et tient annuellement une grande rencontre de consultation avec ses parties prenantes locales.
Les compétences de l'hôpital sont reconnues
Tel que mentionné plus haut, l'Hôpital, sous la direction du Dr Matthew Lukwiya, devient le centre de l'attention sanitaire mondiale et reçoit des experts internationaux qui contribuent à contenir l'éclosion de l'ébola.
As mentioned above, the Hospital, under the leadership of Dr. Matthew Lukwiya, attracted worldwide attention in 2000 as well as experts who helped contain the ebola outbreak.
En 2003, la troisième faculté publique de médecine du pays est créée à Gulu, et l’hôpital St. Mary's devient son site universitaire d’enseignement clinique. Le nombre de patients continue d’augmenter et atteint, entre 2007 et 2010, plus de 300 000 par an, dont 40 000 à 50 000 hospitalisations. Le nombre d’interventions chirurgicales franchit la barre des 5 000 en 2010.
Des stagiaires en soins infirmiers et en médecine provenant d'universités canadiennes et italiennes se rendent à Gulu depuis plusieurs années. Ils contribuent non seulement à la mission de l’hôpital, mais ils y apprennent les rudiments de la médecine tropicale. Certains font carrière en développement international alors que d’autres contribuent aux soins des maladies tropicales qui affectent les voyageurs internationaux dans leurs pays de résidence.
